13 mars 2011

La place d’Youville et le contextualisme américain



Crédit photo : Claude Cormier architectes paysagistes


Par Laurence Aubin-Steben et Caterina Peretti

«It’s time to build for people» (Venturi,  Brown et Izenour 1972)

C’est avec une approche néo-empirique que la place d’Youville, lieu historique important de la métropole, a été conçue entre 1999 et 2001. En effet, le Groupe Cardinal-Hardy et la firme Claude Cormier architectes paysagistes ont travaillé en collaboration selon une approche contextualiste. Ils se sont intéressés aux liens avec le passé, à l’importance de l’usager et à la mise en valeur du contexte.

Liens avec le passé
En opposition avec le modernisme qui niait complètement tout rapport au passé, le contextualisme cherche à reconsidérer les valeurs historiques tout en amenant une relecture contemporaine. La place d’Youville est l’exemple probant d’un projet cherchant à éviter les stratégies de commémoration du passé utilisées dans les années 1980. Les concepteurs jugeaient cette approche trop narrative et ont plutôt opté pour une interprétation et une relecture du patrimoine de manière contemporaine.1
La démarche de conception du projet témoigne d’une grande sensibilité à l’égard de la complexité historique du lieu et de son intégration dans un projet urbain. La place est conçue de manière à rappeler différents moments importants de l’histoire de la ville. Le trottoir central rappelle la présence de la petite rivière Saint-Pierre qui avait été canalisée. L’évolution des trottoirs montréalais est rappelée par l’utilisation de différents matériaux. De plus, l’espacement irrégulier entre les arbres résulte d’une intention de préserver les éléments existants sur le site, tel le sol riche en dépôts archéologiques.

Importance de l’usager
À  travers la trame organique du vieux Montréal, le projet se veut collecteur de piétons. La promenade se fait telle que Venturi le préconisait, par déambulation et dérives, sans parcours préétabli.
« C’est parce qu’elle ne cherche pas à tout s’approprier, à tout interpréter, à tout juger, que cette place est intéressante : elle laisse les gens et les choses être ce qu’elles sont, quoi qu’elles soient, ou quoi qu’elles eussent été»2
À la manière du contextualisme à l’Américaine, c’est l’usager qui donne sa raison d’être au lieu. L’emphase n’est donc pas mise sur ce qu’un lieu public peut avoir de spectaculaire, mais l’attention est plutôt ramenée au niveau du sol afin de conscientiser le promeneur à quoi il touche, à quoi il participe.3 C’est d’ailleurs pour cette raison que l’éclairage se trouve au niveau des genoux.

Mise en valeur du contexte
« His contextualist approch corrects this by treating streets and squares as room-like spaces and by celebrating the outdoor public nature of these spaces at a pedestrian scale paying homage to the consumer and the flâneur engaged in an ‘unprogrammed enjoyment of the city » 4
Le projet, à la fois contemporain et ancré dans la culture du lieu, traite les rues et places comme l’espace et célèbre la nature de l’espace publique. Tous les trottoirs diagonaux invitent l’usager à découvrir le contexte en permettant de traverser la place de part et d’autre.
La place est pensée de manière à mettre en valeur ce qui la circonscrit. Par les angles des trottoirs et l’éclairage, l’usager est amené naturellement vers les portes et les façades des bâtiments. Il y a un effort de raviver l’intérêt dans la relation entre l’espace bâti et l’espace ouvert. De plus, on peut reconnaitre les différents usages des bâtiments autour de la place par le choix de matériaux différents pour les trottoirs. Le bois représente les connections domestiques, le béton les corridors urbains et la pierre les institutions.


Bibliographie

1. Desrochers, Brigitte (2000). « Strates urbaines: Place d’Youville ». ARQ. no. 111, p.6
2-3. Site officiel du groupe Cardinal-Hardy
 [En ligne] : http://www.cardinal-hardy.ca/portfolio/youville/ (page consultée le 1 mars 2011).
4. Ellin, Nan. (1996). Postmodern urbanism. Cambridge, Mass.: Blackwell. P60
Cardinal Hardy, Claude Cormier (1999). « Place d’Youville ». Land forum. no. 7, p.72-75.
Desrochers, Brigitte (2000). « Strates urbaines: Place d’Youville ». ARQ. no. 111, p.5-7.
Site officiel de Claude Cormier
 [En ligne] : http://www.claudecormier.com/projet/place-youville-fr-/ (page consultée le 1 mars 2011).

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