13 mars 2011

Les îlots Saint-Martin, un modernisme en mutation



Crédit photo :  Marie Meriaux et Matthieu Gimat

Par Marie Meriaux et Matthieu Gimat


La Petite Bourgogne face à la rénovation urbaine


Situés dans le quartier de la Petite Bourgogne, au sud du centre-ville, les îlots Saint-Martin furent le premier secteur de rénovation urbaine à Montréal. En 1965, en effet, les autorités de la ville souhaitent améliorer les « conditions physiques, sociales et économiques du milieu urbain existant » et confient pour ce faire la réalisation d’un nouvel ensemble de logements sociaux aux architectes Reeves, Alain et Ouellet, en 1967.
La mise en route de ce processus ne s’est pas fait sans heurt, ce qui souligne l’importance de la prise en compte des habitants dans les projets de rénovation urbaine. En effet, dès 1966, les résidents du quartier se rassemblent pour défendre leurs droits et critiquer le plan d’ensemble proposé par la municipalité. Certaines de leurs revendications, consistant notamment en une échelle de loyers novatrice, ont été prises en compte par la mairie.

Un projet original, entre modernisme et post-modernisme

Les îlots Saint-Martin apparaissent comme un projet correspondant à certaines des conceptions modernistes. Le projet consiste en la destruction des îlots anciens situés sur les deux bords de la rue Saint-Martin et en leur remplacement par un tissu urbain neuf. Il vise à la constitution d’un nouveau quartier d’habitation et respecte le principe moderniste selon lequel la forme suit la fonction, puisqu’il est constitué de petites conciergeries abritant plusieurs cellules d’habitation familiales régulières. Elles s’insèrent dans des bâtiments globalement peu ornementés et destinés dans leur totalité au logement social. Les îlots sont ainsi relativement uniformes.
Cet ensemble, de plus, est marqué par une restructuration de l’espace public, qui ne s’organise plus autour de la rue mais autour de l’intérieur des îlots. Ceux-ci sont aménagés de manière à y accueillir l’essentiel de la vie urbaine, alors que la rue est réservée à la circulation automobile. L’intérieur des îlots est marqué par une centralité paradoxale : les habitations sont ouvertes sur ces espaces, mais ils n’en sont pas moins difficilement accessibles et aménagés de telle sorte qu’ils soient difficilement appropriables. Les pelouses, par exemple, sont clôturées et une partie du projet est construite sur dalle. Ces cœurs d’îlots restent ainsi peu utilisés et n’encouragent pas l’extension des déplacements des habitants vers le reste du quartier.
La relative irrégularité de ces espaces, cependant, indique que le projet correspond, en fait, à un modernisme tardif. Les îlots Saint-Martin subissent en effet l’influence des premières idées post-modernes. Des conceptions néo-rationnalistes et contextualistes, ils tirent ainsi une attention à l’échelle humaine et à l’histoire du lieu dans lequel le projet se construit. Les architectes ont en effet choisi de conserver au sein même du projet certains bâtiments anciens, comme les bains publics ou des maisons victoriennes. Ils ont de plus repris sporadiquement certains détails architecturaux constitutifs du type montréalais, comme des escaliers extérieurs. Enfin, le projet respecte non seulement la volumétrie des bâtiments victoriens, mais aussi le plan de rue ancien, assurant ainsi une continuité entre le nouvel espace et ses abords.
Les îlots Saint-Martin illustrent donc une pensée de l’urbain en mutation. Leur conception tente de trouver une réponse aux différents problèmes que posent les conceptions modernistes. Si cette position plus sensible ne parvient pas à résoudre tous les dysfonctionnements, elle n’en illustre pas moins une continuité entre les idées modernes et post-modernes, qui s’attachent les unes comme les autres à l’amélioration des conditions de vie au cœur de la ville. 

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