1 mars 2011

Parc Éphémère "Friche et célèbre"


Crédit image : Sandra Laberge et Olivier Lapierre

Par Sandra Laberge et Olivier Lapierre

Redonner vie à un espace-témoin du modernisme

Le Pigeon Hole était à l’origine un stationnement étagé datant de l’après-guerre, érigé selon une logique héritée du fonctionnalisme ; il livra le Vieux-Montréal à la voiture. Aujourd’hui démoli, le site fait place à un terrain vacant inutilisé aux angles des rues Notre-Dame Ouest et St-Jean. D’ailleurs, l’expérience urbaine de la rue Notre-Dame ouest s’est passablement détériorée au fil des ans, suite à la coupe des arbres à ses abords et à la réfection de la Place-d’Armes qui a privé les résidents et visiteurs de lieux de socialisation, déjà rares dans ce secteur. Ainsi, la morosité de la rue Notre-Dame, entre autres occasionnée par ce terrain vacant, donna l’idée à un commerçant d’utiliser cet espace en vue d’y créer un parc éphémère durant l’été 2010.

Contribuer à l’expérience et à la qualité de vie du Vieux-Montréal

Ce projet s’inscrit dans un mouvement contemporain plus global de préoccupations sur la qualité et la quantité des espaces publics dans la ville (Ellin, 1995 : 46). De plus, comme le souligne Ellin, « il est temps d’agir en reconnaissant que l’espace entre les bâtiment est aussi important pour la vie du citadins que les bâtiments eux-mêmes »[1]. Cette réflexion s’inscrit en partie dans le mouvement du Townscape qui émergea dans le monde anglo-saxon au tournant des années 1950. Le parc éphémère s’inscrit dans cette lignée puisqu’il est né d’un désir de réhumaniser l’espace vacant dans la perspective de « reconstituer l’espace public » (Ibid : 47). L’ensemble des composantes de son aménagement a été pensé dans une visée de création de « place character » qui apporte « a sense of pleasure , security and identity » (Ibid).

Les éléments constitutifs de ce parc sont d’ordre divers et renvoient à certains attributs relevés par Gordon Cullen (1961 : 26) : une allée piétonne forme une diagonale traversant le quadrilatère, une arche agit comme point de repère central, une longue table de banquet et des bancs invitent le passant à prendre le temps d’une pause (Ibid :  21) un aménagement paysager minimaliste cadre la vue, un mur adjacent a aussi été peint pour des projections en plein air (Ibid : 155). Une programmation d’activités (ateliers, concerts-midi, soirées de projections, marché et banquet des récoltes) ajoute à l’expérience du parc Friche et Célèbre, le consacrant comme un espace de rassemblement au même titre qu’un square populaire (Ibid : 100).

Un projet citoyen, concerté et rassembleur

Cette occupation temporaire visant la réappropriation des lieux publics par ses citoyens n’est pas étrangère au discours et aux actions entreprises par les activistes urbains. Les racines de cette forme d’activisme sont diverses, mais la grande critique de Jane Jacobs avec « The death and life of great american cities » au tournant des années 1960, représente certainement le témoignage le plus éloquent de ces revendications politiques visant la réappropriation de la ville par ses citoyens. Le parc éphémère s’insère directement dans cette logique de réappropriation. D’autant plus qu’il fut un projet initié et géré par un commerçant, financé par le milieu, concerté avec les groupes du quartier, et réalisé par une équipe de designers bénévoles. Le parc a ainsi offert une réelle expérience de participation citoyenne, riche d’apprentissages, où le désir de célébrer la vie urbaine fut le moteur de l’action.

BIBLIOGRAPHIE
  
CULLEN, Gordon (1961). Townscape, New York.

ELLIN, Nan (1996). Postmodern urbanism, Princeton Architectural Press, New York.

JACOBS, Jane (1992). The death and life of the great american cities, Vintage Books Edition, New York.


[1] Traduction libre

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