20 février 2012

La place d'armes

Par Laura Loison et Clementine Hederer




Image : Loison et Hederer 2012

Nouvel arrivant sur l’île de Montréal, l’étranger arpente les rues pour apprivoiser sa nouvelle ville.  Un soir en longeant la rue Saint-Jacques… «Waouh !». A l’angle d’une rue il s’arrête soudainement, une place majestueuse aux lumières douces s’offre à lui. Il s’étonne d’un mélange d’ancien et de moderne où chaque bâtiment a sa particularité. Il s’y sent bien.
Son ressenti aurait-il été le même s’il avait découvert la place de jour ? Curieux il décide d’y retourner le lendemain. Un peu déçu de l’encombrement de la place par les voitures, il la trouve moins chaleureuse mais toujours impressionnante. La vue sur la basilique et les immeubles de style “new-yorkais” le captivent mais il s’aperçoit rapidement que ce ne sont pas les seuls éléments intéressants de la place. L’expérience du lieu est-elle la même selon l’angle sous lequel on observe la place ? S’il avait découvert la place en provenant d’une autre rue, aurait-il passé son chemin ?
Le visiteur remarque aisément que les bâtiments proviennent chacun d’une époque différente et font de la place d’Armes un lieu symbolique de Montréal. Les éléments qui la composent retracent de façon linéaire l’histoire de la ville. En effet depuis 1693 la place n’a cessé d’évoluer; d’une place de marché au coeur du réseau de tramway, elle accueille également le premier gratte ciel de Montréal. Le décalage temporel du bâti reflète une volonté de l’homme de laisser une trace de son passage. La pensée de Camillo Sitte est traduite ici par la relecture de l’histoire dans le design de la place ; on laisse une marque sans effacer l’histoire mais au contraire, en la prenant en compte. C’est ainsi que l’historicisme de Sitte apporte une nouvelle manière de comprendre cet espace.
Il ne semble pas y avoir de rationalité entre les différentes formes de l’espace : une colonnade, une église, une tour. Selon les critères de Riboulet, basés entre autres sur l’équilibre et la symétrie, la place, non rectangulaire et aux bâtiments disproportionnés, dégage une absence d’unité et d’harmonie entre les parties (le bâti) et le tout (la place). Il existe pourtant une relation subtile entre eux où intervient l’expérience de l’usager. Il est vrai que, malgré leurs différences, les constructions ne sont pas en rupture avec le site qui les reçoit mais bien au contraire, elles lui donnent une continuité non pas morphologique mais temporelle rendant l’espace lisible pour l’usager.
Ainsi, des effets visuels particuliers se créent par la juxtaposition de ces différents volumes et couleurs. L’espace fait appel à l’expérience et à nos sens, révélant des aspects du design empiriste. Le soir, les effets lumineux de la place lient le bâti et permettent à l’usager de découvrir un ensemble harmonieux. A quel point la perception de l’espace diffère-t-elle le jour de la nuit ? La place connaît une véritable mise en scène nocturne : le reflet de la statue sur la façade de la banque, des arbres illuminés en contre-plongée, l’éclairage des principales façades, etc. Les façades semblent alors constituer un décor de théâtre qui confère une atmosphère particulière à la place. La lumière devient alors un outil à part entière du design urbain qui permet ici d’harmoniser le lieu, de rassurer le passant en lui donnant des repères, d’offrir un spectacle aux visiteurs et faire de cette place une véritable pièce d’un musée à grande échelle qu’est la ville de Montréal.


Bibliographie


Raynaud, Michel Max et Pauline Wolff (2009). Design urbain : approches théoriques. Volume 1 Approches historique et conceptuelle. Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier. 28p.

Cours de Mme Marie Lessard (cours de Design Urbain du semestre d'automne 2011) : pour comprendre les courants du design urbain. Titre : "les critères de design urbain et leur application"

Recherches et analyses faites sur la Place d'armes et ses réaménagements successifs :
Documents pdf : http://www.vieux.montreal.qc.ca/placedarmes/2/documents.htm

Site Wikipedia de la Place d'armes :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Place_d%27Armes_%28Montr%C3%A9al%29 
 
Site du Vieux Montréal sur l'histoire de la place :
http://vieux.montreal.qc.ca/tour/etape16/16fen.htm  

Site sur les récents travaux et réaménagements de la place :
http://www.vieux.montreal.qc.ca/placedarmes/2/index.htm  

Site pour obtenir des photos de la place :
http://imtl.org/montreal.php?vsearch=1&expo=PLACE_D_ARMES&m=La 

2 commentaires:

  1. C’est peut-être un bâtiment qui n’ paraît pas dans l’image qui contraste le plus avec le contexte : la tour de la B. N. Dans ce sens, c’est très juste de dire que la perception que l’on peut avoir d’un lieu comme la Place d’Armes dépend du point de vue adopté (dans l’espace, dans le temps) et des références disponibles.

    L’approche de Sitte peut être mis en relation avec le courant néo-empiriste en deisgn urbain : Sitte déplorait par exemple la symétrie des espaces « modernes », génératrice de peu de différences (voire de surprises) dans la manière dont les piétons pouvaient découvrir une place publique. Il va ainsi faire l’apologie de la spontanéité des espaces publics du moyen âge, de leur irrégularité.

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    1. C'est en voyant des photos de différents amis (découvrant la ville) que nous nous sommes aperçues que si on arrive par l'angle opposé à la vue de la photo ci-dessus, on ne perçoit pas l'effet d'ensemble. En effet ceux qui sont arrivés par cet angle de la place ont photographiés les bâtiments un à un, tout en continuant la rue Notre-Dames.
      Je pense que cela dépend aussi de la subjectivité et la sensibilité de l'individu. Mais comme quoi, lorsque l'on visite une ville il faut apprendre à se retourner pour ne pas en rater une miette.

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