12 mars 2012

La place Jean-Paul Riopelle ou le pari de la contemplation à l’épreuve du quartier international de Montréal


Par Cécile Maillard et Benoit Danen


Image : Stéphan Poulin et Daoust Lestage Inc.

L’utilisation du design urbain comme opérateur du renouvellement urbain

D’inspiration nord-américaine, néo-empirique, le concept du Quartier International de Montréal (QIM) remonte à 1986 lorsque la ville prend conscience et tente de corriger les impacts négatifs créés par l’autoroute intra-urbaine Ville-Marie, coupant alors le centre des affaires du vieux Montréal. Le but est clair, miser sur un aménagement urbain contemporain, prestigieux et exclusif, permettant d’améliorer le cadre de vie en plein cœur du centre ville de Montréal tout en renvoyant une image forte à l’international quant aux atouts de la métropole : créativité technologique, art et nature.

Faisant face au Palais des Congrès dans sa partie Ouest, à l’ombre des buildings, un ancien site de stationnement automobile à ciel ouvert va devenir en 2004 la place Jean-Paul Riopelle telle que nous la connaissons aujourd’hui. La stratégie de design urbain employée pourrait relever de la symbolique suivante : enlevons les parkings et remettons en lumière, au sens propre comme au figuré, cet espace à fort potentiel…

Ancrage dans le passé et porte ouverte vers l’avenir…

Le concept même de la place a été confié au bureau de design urbain Daoust Lestage Inc par le tryptique de gouvernance composé des pouvoirs publics, des principaux groupes privés ainsi que des riverains. Leur principal mérite est d’avoir su habilement utiliser des référents historiques et naturels qui sont recontextualisés dans un environnement au mobilier urbain simple et sobre, et ce, en plein cœur de la cité, faisant de ce projet le lauréat de deux concours prestigieux de design et d’architecture. La place Jean-Paul Riopelle est à l’image de l’objectif d’allier modernisme et histoire, en saupoudrant d’une pincée de néo-rationalisme (la « Joute »), un espace résolument néo-empirique.

Véritable mosaïque minérale et végétale avec 88 arbres de différentes essences de l’érablière à Caryer, représentants de la forêt québécoise, la place Jean-Paul Riopelle est un espace de transition entre le centre-ville moderne et le cœur historique de Montréal, propre aux réalisations du courant moderne. L’agencement des arbres crée une trame pixellisée rappelant les circuits imprimés d’un ordinateur, et le sol constitué de pièces rectangulaires minérales ou végétales placées aléatoirement, semblent vouloir entamer un dialogue avec la grande façade en lamelles de verre coloré du Palais des congrès, soulignant la créativité des Québécois.

Lieu de détente fréquenté par de nombreux visiteurs, la place accueille l’œuvre monumentale de « La Joute » de Riopelle, auparavant installée au Stade Olympique de Montréal depuis 1976. La sculpture est mise en valeur dans un bassin circulaire bordé d’un cercle de feu, dont tous les mécanismes sont astucieusement dissimulés, selon les souhaits de l’artiste décédé en 2002. « La joute est une fontaine constituée de 29 sculptures, en bronze, disposées sur des socles fixés dans deux bassins d’inégales superficies, placés l’un dans l’autre » comme le souligne Jacques Keable, ami de Jean-Paul Riopelle. Ses thématiques renvoient à l’enfance et la nature ainsi qu’au jeu des amérindiens. Elle s’adresse donc indistinctement aux plus jeunes et aux grands enfants que nous sommes tous... Au sol, douze caniveaux lumineux dotés de brumisateurs formant une horloge urbaine, créent des jeux de lumière et de brouillard lors d’animations de soirée en été, tentant d’imposer son rythme à la vie trépidante du quartier. Un spectacle dynamique et presque fantastique s’empare alors du lieu incitant l’usager à expérimenter l’espace.

L’expérience contemplative universelle 

Sur la place Jean-Paul Riopelle, l’homme d’affaires prenant son lunch à la recherche d’un contexte reposant, tout comme les 6 000 passants journaliers sortant du Palais des Congrès qui regardent les animations avec amusement, peuvent donc partager cette expérience contemplative universelle. Universelle car renvoyant aux quatre éléments représentant la pierre angulaire de la philosophie aristotélicienne et constitutifs de l’ensemble de l’univers : l’eau, la terre, le feu et l’air…


Bibliographie & webographie

- Site web de l’Agence d’urbanisme Daoust Lestage : http://www.daoustlestage.com
-  « Le quartier international de Montréal : la nouvelle vitrine du savoir-faire québécois. Un environnement de qualité du coeur de la ville. » Article de Jessica Nadeau du 22 mai 2004, Actualités en société pour Le Devoir.com.
-  Site web du Quartier international de Montréal : http://qimtl.qc.ca/fr/projets/quartier-international-montreal/intervention/place-jean-paul-riopelle
-  Article sur le site Action Design.info : actiondesign.info/fr/etudes-de-cas/quartier-international-de-montreal
-  Mireille Bélanger, Le design urbain au Québec : étude de la transposition des prescriptions empiriques dans la pratique urbanistique, mémoire de fin d’études d’urbanisme, avril 2010, 122 p.
-  Nan Ellin, Postmodern Urbanism, Princeton Architectural Press, New York, 1999, 368 p.

1 commentaire:

  1. Dans votre article, vous proposez une très riche description de cet espace qui, en effet, constitue un cas emblématique du design urbain à Montréal. Les références au néoempirisme et au néorationalisme nous laissent toutefois un peu sur notre faim. Si le projet vient restructurer un secteur urbain à travers une « rationalisation » de la forme de la ville, quelle est sa portée néoempirique ? si la Joute transforme l’expérience de l’usager, en quoi incarne-t-elle les principes néorationalistes ? Plus encore, de quelle manière ces deux approches peuvent-elles orienter un même projet ? Un retour à Broadbent (1990) pourrait être utile pour saisir mieux ces deux approches.

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