Par Andrea Spector et Jihane Aïdibé
Image : Andrea Spector et Jihane Aïdibé
Situé entre la rue Berri et la rue Saint Hubert, à la limite entre le Vieux-Port et le quartier résidentiel du « Faubourg Québec », le square Dalhousie cherche, par son aménagement, à tisser des liens entre ces deux environnements disparates et en même temps, à rendre hommage à l’histoire riche de son site. Ancien square du 19e siècle, son territoire comprenait à l’origine les murs de fortification de la ville, le tracé original de la rue Saint-Paul et plus récemment dans l’histoire, les voies ferrées et la première gare montréalaise du Canadien Pacifique, la gare Dalhousie. Aujourd’hui, seule la gare reste le témoin de ce passé ferroviaire. Rénovée, elle abrite maintenant le Cirque Éloize (Vieux Montréal, 2012) .
En 2004, l’aménagement du nouveau square Dalhousie inclut des éléments symboliques évoquant son passé, par un marquage du tracé des voies ferrées dans son pavage et la sculpture de Jocelyne Alloucherie, Porte de Jour, qui met en évidence l’emplacement des anciennes fortifications (Ville de Montréal, 2012) . Aussi, la place « s’articule autour de la découverte des différentes composantes de son voisinage et des facteurs qui l’ont façonnée » (Ville de Montréal). L’espace se présente comme un prolongement et une transition entre deux quartiers. Dans son aménagement, cette transition est apparente à travers la végétation du site. Du côté du Vieux Montréal, l’espace est plus minéral, avec des arbres plantés dans l’asphalte, alors qu’en se rapprochant du quartier résidentiel du Faubourg Québec, la végétation s’intensifie avec des espaces gazonnés qui apportent au site un aspect de jardin. Ce collage d’interventions qui forment un espace convivial à l’échelle pédestre se rapproche du courant contextualiste, mêlant le passé et le futur du site en un ensemble commun et cohérent (Ellin, 1996).
Le square Dalhousie emprunte également dans sa conception certains principes d’un modèle de place de plus en plus utilisé à Montréal depuis ces dernières années, la « place-paysage ». De ce modèle hybride qui allie à la fois mémoire urbaine et qualité et milieu de vie (Cha, 2011), le square Dalhousie s’inspire des principes d’identité, de patrimoine et d’esthétisme du lieu. L’espace propose une narration du passé historique du site, à travers son aménagement, son mobilier urbain et artistique comme nous l’avons vu. Le square « favorise l’émergence de récits porteurs et entretient un rapport entre la matière (le réel) et ses représentations (les images) » (Cha, 2011), nous invitant à une lecture historique, des remparts de la ville fortifiée à l’époque des chemins de fer. Ainsi, le square laisse la possibilité d’un usage, d’une interprétation ouverte à l’usager, selon son rapport à cet espace, un espace public comme lieu de transition, d’histoire ou de milieu de vie.
Cet espace est intéressant en termes de design urbain et de ses enjeux. Espace charnière, frontière entre deux quartiers, le square Dalhousie aurait pu rester un espace vide, marquant une différenciation brutale entre un nouvel espace résidentiel et le reste de la ville. Au contraire, de par son aménagement et le rôle qu’on a voulu lui influer, le square n’est plus une simple barrière, une limite fortifiée comme il a pu l’être dans le passé, mais il devient un lieu symbolique de transition, de connexion au cœur de l’espace urbain. Le square Dalhousie, dans son approche et son aménagement, nous rappelle l’importance de ces espaces publics vides, qui font la qualité et l’essence de la ville.
Bibliographie
Affleck, G. (2008, février). The Evolution Of Public Space Design In Montreal Is Veering Towards Minimal Expression To Support The Natural Ebb And Flow Of Human Activity. Repéré le 18 février 2012, de Canadian Architect: http://www.canadianarchitect.com/news/in-full-view-public-space-in-montreal/1000219168/
Cha, J. (2011) “La place paysage : le dernier temps d’aménagement de la place public à Montréal” in Jébrak, Y. et Julien, B. (dirs) Le temps de l’espace public urbain : construction, transformation et utilization (p.87-110), Montréal : Editions MultiMondes
Ellin, N. (1996). Postmodern Urbanism. Cambridge: Blackwell Publishers.
Vieux Montréal. (2012). Secteur des gares ferroviaires: Square Dalhousie. Repéré le 18 février 2012, de Fiche d'un espace publique: http://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_rue.php?id=779&sec=c
Ville de Montréal. (2012). Montréal, Métropole culturelle. Repéré le 18 février 2012, de Prix d'aménagement 2006 Les Arts et la Ville: http://www.arts-ville.org/media/upload/fichiers/panneaumtl.pdf
Votre description de cet espace (à la fois textuelle et graphique) est très riche. Le rôle de la place comme articulation de quartiers est très intéressant : un silence qui permet de relier deux conversations différentes (c'est la métaphore qui me vient à l'esprit). Au-delà de cette fonction, très importante, on pourrait aussi dire que la place joue un rôle très importante dans la valorisation foncière et qu'elle fait-donc partie des bâtiments qui la définissent (et qu'elle met en valeur). Dans votre image on voit un peu de cette relation intime...
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