Crédit photo : Marie-Eve Dostie et Florian Wolf 2011
Par Marie-Eve Dostie et Florian Wolf
Le Centre Canadien d’Architecture (CCA) a été fondé en 1979 par Phyllis Lambert ; le nouveau bâtiment a été ouvert en 1989. Il encadre et incorpore la maison Shaughnessy, située dans le quartier des grands jardins, à l’ouest de l’arrondissement Ville-Marie à Montréal.
La maison Shaughnessy, construite en 1874, était une des dernières maisons de l’époque, dans le secteur, a ne pas avoir été détruite par l’élargissement de la rue Dorchester en boulevard (1969) et par l’ouverture de la Transcanadienne (1974). Cependant, après avoir été désignée site et monument historique en 1974, l’environnement original de la maison a continué à se dégrader avec la construction d’immeubles à proximité immédiate de la maison. Phyllis Lambert a participé aux premiers mouvements citoyens de protection du patrimoine bâti montréalais et, quelques mois après le classement du bâtiment, elle a procédé à l’achat de celui-ci afin d’en assurer la protection (Drouin, 2005).
À partir de 1985, le choix de ce site pour la construction du CCA est à la fois une réponse aux besoins d’agrandissement de l’institution et un moyen de préservation du site. La transformation de celui-ci en sa forme actuelle a été réalisée de 1985 à 1989 par Peter Rose pour le bâtiment et Melvin Charney pour le jardin en collaboration avec Phyllis Lambert comme cliente et architecte-consultante.
La conception du site est tout d’abord une réponse aux objectifs donnés au CCA, à savoir d’être à la fois un musée, une bibliothèque et un centre de recherche. L’autre objectif étant de conserver la maison Shaughnessy en rétablissant sa valeur de villa, la conception du site ne devait pas se limiter au bâtiment mais comme une relation entre l’intérieur (la maison) et l’extérieur (les jardins). Ainsi, le site se compose du bâtiment du CCA en lui-même et de ses jardins; ces deux éléments étant indissociables.
En réaction directe au développement moderniste de Montréal, l’aménagement du site occupé par le CCA est une combinaison de différents courants postmodernes. Si la nouvelle fonction et forme du site répondent à la volonté de « conserver ses éléments historiques sans en faire une antiquité inerte mais en les adaptant aux nouveaux usages demandés » (Relph, 1987, p.221), les exigences architecturales imposées par Phyllis Lambert concernant le bâtiment sont explicitement d’inspiration classique tandis que le jardin est construit sur un modèle similaire à la place Émilie Gamelin (conception par Melvin Charney). Ainsi, s’intégrant dans une logique de préservation historique, le site est conçu comme un dialogue entre le néo-classicisme de la partie au nord du boulevard et le mouvement des places-paysages montréalaises du jardin au sud.
Le néo-classicisme de la partie nord se caractérise par le fait qu’elle est conçue pour être à la fois intégrée dans son milieu et avoir une valeur intrinsèque. Le bâtiment doit donc répondre aux canons de l’architecture classique (commodité, solidité et beauté), tout en ayant un rôle de réparation du tissu urbain par la mise en valeur de l’architecture.
De l’autre côté du boulevard, on distingue clairement la trame narrative constituant cet espace. Le jardin fait appel à la mémoire du lieu, plaçant son centre de gravité sur une représentation grandeur nature de la maison Shaughnessy et en annonçant sa vocation nouvelle à travers des représentations archétypales de l’architecture montréalaise reposant sur des colonnes, éléments centraux du jardin classique (Richards, 1989).
L’ensemble bâtiment et jardin du CCA s’inscrit donc en opposition au développement moderniste du secteur dans lequel il est implanté. Il montre un dialogue entre plusieurs courants postmodernes et chacun des éléments de l’ensemble possède sa symbolique.
Sources
Centre Canadien d’Architecture. 2009. « A propos du CCA» In Centre Canadien d’Architecture. En ligne. <http://www.cca.qc.ca/fr/a-propos>. Consulté le 18 février 2011.
Drouin, Martin. 2005. Le combat du patrimoine à Montréal, 1973-2003. Coll. «Patrimoine urbain». Montréal : Presses de l’Université du Québec, 386p.
Dunton, Nancy et Helen Malkin. 2008. Guide de l’architecture contemporaine de Montréal. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal, 191p.
Ellin, Nan. 1996. Postmodern urbanism. Cambridge, Mass.: Blackwell, 348p.
Jonathan Cha. 2008. « La “ place paysage “ : le dernier temps d’aménagement de la place publique à Montréal » In Le temps de l’espace public urbain : construction, transformation et utilisation, sous la dir. de Jébrak, Yona et Barbara Julien, p.87-110. Montréal : Éditions MultiMontdes.
Nadeau, Jessica. 2009. « Construire le CCA – “À l’époque, on détruisait toute la ville…” : Le travail de Rose et Charney a été mondialement reconnu». Le Devoir. En ligne. 25 avril 2009. <http://www.ledevoir.com/culture/247331/construire-le-cca-a-l-epoque-on-detruisait-toute-la-ville>. Consulté le 18 février 2011.
Richards, Larry. 1989. Centre canadien d'architecture/Canadian Centre for Architecture : building and gardens. Montréal : Centre canadien d'architecture, 164p.
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