24 février 2012

Le square Dalhousie : entre lecture du passé et usage futur d’un espace public


Par Andrea Spector et Jihane Aïdibé


Image : Andrea Spector et Jihane Aïdibé

Situé entre la rue Berri et la rue Saint Hubert, à la limite entre le Vieux-Port et le quartier résidentiel du « Faubourg Québec », le square Dalhousie cherche, par son aménagement, à tisser des liens entre ces deux environnements disparates et en même temps, à rendre hommage à l’histoire riche de son site. Ancien square du 19e siècle, son territoire comprenait à l’origine les murs de fortification de la ville, le tracé original de la rue Saint-Paul et plus récemment dans l’histoire, les voies ferrées et la première gare montréalaise du Canadien Pacifique, la gare Dalhousie. Aujourd’hui, seule la gare reste le témoin de ce passé ferroviaire. Rénovée, elle abrite maintenant le Cirque Éloize (Vieux Montréal, 2012).

En 2004, l’aménagement du nouveau square Dalhousie inclut des éléments symboliques évoquant son passé, par un marquage du tracé des voies ferrées dans son pavage et la sculpture de Jocelyne Alloucherie, Porte de Jour, qui met en évidence l’emplacement des anciennes fortifications (Ville de Montréal, 2012). Aussi, la place « s’articule autour de la découverte des différentes composantes de son voisinage et des facteurs qui l’ont façonnée » (Ville de Montréal). L’espace se présente comme un prolongement et une transition entre deux quartiers. Dans son aménagement, cette transition est apparente à travers la végétation du site. Du côté du Vieux Montréal, l’espace est plus minéral, avec des arbres plantés dans l’asphalte, alors qu’en se rapprochant du quartier résidentiel du Faubourg Québec, la végétation s’intensifie avec des espaces gazonnés qui apportent au site un aspect de jardin. Ce collage d’interventions qui forment un espace convivial à l’échelle pédestre se rapproche du courant contextualiste, mêlant le passé et le futur du site en un ensemble commun et cohérent (Ellin, 1996).
Le square Dalhousie emprunte également dans sa conception certains principes d’un modèle de place de plus en plus utilisé à Montréal depuis ces dernières années, la « place-paysage ». De ce modèle hybride qui allie à la fois mémoire urbaine et qualité et milieu de vie (Cha, 2011), le square Dalhousie s’inspire des principes d’identité, de patrimoine et d’esthétisme du lieu. L’espace propose une narration du passé historique du site, à travers son aménagement, son mobilier urbain et artistique comme nous l’avons vu. Le square « favorise l’émergence de récits porteurs et entretient un rapport entre la matière (le réel) et ses représentations (les images) » (Cha, 2011), nous invitant à une lecture historique, des remparts de la ville fortifiée à l’époque des chemins de fer. Ainsi, le square laisse la possibilité d’un usage, d’une interprétation ouverte à l’usager, selon son rapport à cet espace, un espace public comme lieu de transition, d’histoire ou de milieu de vie.
Cet espace est intéressant en termes de design urbain et de ses enjeux. Espace charnière, frontière entre deux quartiers, le square Dalhousie aurait pu rester un espace vide, marquant une différenciation brutale entre un nouvel espace résidentiel et le reste de la ville. Au contraire, de par son aménagement et le rôle qu’on a voulu lui influer, le square n’est plus une simple barrière, une limite fortifiée comme il a pu l’être dans le passé, mais il devient un lieu symbolique de transition, de connexion au cœur de l’espace urbain. Le square Dalhousie, dans son approche et son aménagement, nous rappelle l’importance de ces espaces publics vides, qui font la qualité et l’essence de la ville.

Bibliographie

Affleck, G. (2008, février). The Evolution Of Public Space Design In Montreal Is Veering Towards Minimal Expression To Support The Natural Ebb And Flow Of Human Activity. Repéré le 18 février 2012, de Canadian Architect: http://www.canadianarchitect.com/news/in-full-view-public-space-in-montreal/1000219168/

Cha, J. (2011) “La place paysage : le dernier temps d’aménagement de la place public à Montréal” in Jébrak, Y. et Julien, B. (dirs) Le temps de l’espace public urbain : construction, transformation et utilization (p.87-110), Montréal : Editions MultiMondes

Ellin, N. (1996). Postmodern Urbanism. Cambridge: Blackwell Publishers.

Vieux Montréal. (2012). Secteur des gares ferroviaires: Square Dalhousie. Repéré le 18 février 2012, de Fiche d'un espace publique: http://www.vieux.montreal.qc.ca/inventaire/fiches/fiche_rue.php?id=779&sec=c

Ville de Montréal. (2012). Montréal, Métropole culturelle. Repéré le 18 février 2012, de Prix d'aménagement 2006 Les Arts et la Ville: http://www.arts-ville.org/media/upload/fichiers/panneaumtl.pdf

Remise en valeur de l’artère commerciale Côte-des-Neiges par l’aménagement de trois espaces publics signifiants


Par Samy Ait Oubelli et Ali Arzouni


Image : Samy Ait Oubelli

L’aménagement de trois places publiques le long du chemin de la Côte-des-Neiges en 2006, répondait à une volonté de l’arrondissement Côte-des-Neiges Notre-Dame-de-Grâce et de l’Association des gens d’affaires de Côte-des-Neiges de rehausser l’image de l’artère commerciale Côte-des-Neiges en offrant un aménagement significatif qui témoignerait de la spécificité du quartier.

L’opération de valorisation de l’image du chemin de la Côte-des-Neiges a été confiée au consortium formé de Schème Inc. et  de l’Atelier Urban Soland, lequel consortium  s’est chargé de la conception, du suivi et de la réalisation du projet.  Dans les faits, c’était une intervention spécifique dans le domaine public. L’équipe des concepteurs, dans ses analyses, avait identifié l’étroitesse des trottoirs et avait proposé des débordements du domaine public en vue de l’agrandir en des endroits stratégiques. Cette proposition avait pour but de célébrer l’espace de la rue et de pallier son déclin en améliorant son image tout en offrant des espaces que la population peut s’approprier.

L’approche adoptée par le groupe d’architectes et d’architectes paysagistes de l’Atelier Urban Soland s’inscrit dans une démarche néo-empiriste en utilisant le contextualisme pour conceptualiser les espaces. Elle se rapproche de la définition du contextualisme architectural de Colin Rowe, « qui situe l'objet du design ou de l'analyse dans son environnement physico-historique en termes d'éléments et de rapports formels » (Agrest & Léger,1977). Cela se manifeste dans le projet autant dans son ancrage dans l’histoire spécifique du quartier que dans les réponses formelles que prennent les aménagements et qui visent à créer des espaces de convivialité pour les résidents tout en valorisant l’image du quartier.

La démarche contextualiste, comme le décrit Ellin dans Postmodern urbanism, tente aussi bien de comprendre et de réinterpréter l’histoire du lieu que la culture qui y règne, en s’intéressant aussi bien à sa forme qu’à sa symbolique. À cet égard, l’aménagement des débordements publics -nommé ainsi par les concepteurs du projet- témoigne d’une grande sensibilité que promeut cette démarche. Tout d’abord, l’emplacement des trois aménagements s’est fait à la suite d’une analyse rigoureuse du chemin Côte-des-Neiges. En effet, dès les premières phases, les concepteurs ont travaillé avec des éléments contextuels tels que la topographie et le système de découpage parcellaire particulier du quartier Côte-des-Neiges. Ils ont aussi identifié l’emplacement de leurs aménagements en concordance avec les lieux de socialisation et de vie qui ont accompagné l’évolution du quartier à travers l’histoire. Les lieux dont il s’agit sont, entre autres, l’église et l’école Saint-Pascal-Baylon,  l’école Notre-Dame-des-Neiges, l’hôpital Juif et le parc Kent.

Le rapport à l’histoire se manifeste aussi dans le choix des aménagements et du mobilier urbain. En ce sens, un projet d’art urbain a été réalisé de concert avec la communauté et a abouti à la confection d’une quarantaine de pommes en bronze qui rappellent la vocation maraichère du quartier. En outre, ces pommes, qui ont été insérées dans le mobilier urbain, ont été estampées de citations rappelant le caractère multiethnique du quartier. Les trois places publiques, ornementées de tables, de bancs et de chaises de granit et de béton, tout en permettant de donner un nouveau souffle à l’artère commerciale, contribuent aux échanges sociaux, culturels et commerciaux entre les multiples communautés qui caractérisent le quartier aujourd’hui.

Références:
-      Agrest Diana, Léger Jean-François. Design versus non-design. Dans: Communications, 27, 1977. pp. 79-102. doi : 10.3406/comm.1977.1410
-      Brodeur, M., & Lachapelle, J. (2008). Imaginer, réaliser la ville 21e siècle cahiers des bonnes pratiques en design. Consulté le 01 28, 2012, sur mtlunescodesign: http://mtlunescodesign.com/docs/projects/Cahier%20bonnes%20pratiques_03.pdf
-      Chemin de la Côte-des-Neiges,Montréal,2008. (s.d.). Consulté le Février 8, 2012, sur Urban Soland paysages urbains: http://urban-soland.com/index.01.02.php
-      Débordement public. (s.d.). Consulté le Février 08, 2012, sur plepuc: http://plepuc.org/fr/oeuvre/debordement-public
-      Ellin, Nan (1996). Postmodern urbanism, Princeton Architectural Press, New York
-      Lafrenière, A. (2008, Mars 1). Les designers et les architectes ouvrent leur porte. Consulté le Février 7, 2012, sur lesactualites: http://www.lesactualites.ca/?site=CDN&section=page&1=C080430&2=C080430_designMontreal

Réaménagement de l’autoroute Bonaventure : Doter Montréal d’une entrée de ville prestigieuse

Par Joëlle Desjardins et Arthur Duhamel


Image : Groupe IBI-CHBA

Dans sa vision Montréal 2025, le projet Bonaventure constitue pour la ville un projet majeur dans le processus de réaménagement du Havre de Montréal. Le but recherché à travers la conversion de l’autoroute Bonaventure en une grande artère urbaine est de doter Montréal d’une entrée de ville prestigieuse grâce à un aménagement urbain de qualité et un développement intégré et durable (Montréal 2025, s.d).
Un projet postmoderne s’inscrivant dans un milieu formé par le modernisme
Depuis son inauguration en 1967, l’autoroute Bonaventure est un des axes majeurs permettant d’accéder au centre-ville de Montréal. Infrastructure lourde, symbole du modernisme et de la domination de l’automobile comme moyen de transport durant cette période d’urbanisme progressiste, sa construction a créé une coupure surfacique (Héran, 2000) importante dans la trame urbaine en séparant le faubourg des Récollets de Griffintown, et le centre des affaires du canal de Lachine. La reconversion de cette autoroute en milieu urbain, véritable espace perdu (Roger Trancik, 1986), fournit une opportunité exceptionnelle de réinvestissement du centre-ville en le rendant attractif et habitable
L’approche contextualiste, adoptée par le consortium dirigé par Cardinal Hardy, favorise cette reconnexion entre quartiers et fait émerger le « génie des lieux » (Montréal 2025, s.d). Toutefois, elle se caractérise par un postmodernisme nord-américain qui « réussit rarement à dépasser la tentation de faire du projet architectural une oeuvre d'art autonome, qui se démarque de son contexte comme une figure sur fond de ville » (Germain et Guay, 1985). En effet, sur les ilots libérés par le démantèlement du tablier autoroutier, l’architecture des bâtiments proposés se veut résolument contemporaine, caractéristique d’un centre-ville nord-américain, tournée vers l’avenir et donc peu en lien avec l’architecture présente actuellement de part et d’autre de l’autoroute.
Un design urbain multisensoriel et multiscalaire de qualité
Une entrée de ville implique la confrontation entre deux échelles : l’échelle de la ville et l’échelle humaine. Voulant assurer le lien entre formes urbaines et relations sociales, ce projet s’inscrit dans le mouvement américain prescrit à l’échelle internationale du nouvel urbanisme : le modèle néo-traditionnel (ou Traditionnal Neighborhood Development) (Dupuis, 2009).
Le paysage de la ville (townscape) est assuré par la vision stratégique appliquée au plan d’ensemble qui met en cohérence, par le biais des formes architecturales et urbaines, le projet avec le centre-ville existant. Cette mise en scène des grands repères montréalais, que sont la silhouette du mont Royal et des tours du centre-ville (Montréal 2025, s.d), représente parfaitement les valeurs locales à l’échelle métropolitaine (OCPM, 2009) et diffuse aussi une image de Montréal à l’international.
Les paysages de l’urbain (streetscapes) font ressortir une qualité esthétique des rues ceinturant les ilots centraux, créant une séquence paysagère digne d’une entrée de ville « marquante et signalétique » (OCPM, 2009). Sans renier l’automobile ou lui nuire mais plutôt en la disciplinant, l’aménagement à l’échelle du piéton est dicté par des critères de design urbain tirés du néo-empirisme nord-américain. La transparence entre le rez-de-chaussée des tours (espace privé) et la rue (espace public) (Jacobs, 1995), le rythme provoqué par des transitions claires dans les hauteurs des bâtiments (Trancik, 1986) ou encore la répartition d’espaces publics cohérents et formés par le bâti (Jacobs, 1995 ; Alexander, 1987) sont autant de concepts appliqués dans ce projet pour favoriser la perception de l’espace urbain en créant une animation du domaine public, notamment par l’intégration d’art public (œuvres, éclairages).
Ce « design multisensoriel » forme des « ambiances multisensorielles » (Ascher, 2010), ce qui renforce la mise en valeur et la qualité de ce futur espace urbain.

Bibliographie :
Alexander, C., Neis, H., Anninou, A., King, I. (1987). A new theory of urban design. New York : Oxford University Press.
Ascher, F. (2010). Les nouveaux principes de l’urbanisme. La Tour d’Aigues : Éditions de l’Aube.
Cardinal Hardy et al. (s.d). Réaménagement de l’autoroute Bonaventure. Repéré à : http://www.cardinal-hardy.ca/#/portfolio/bonaventure/
Choay, F. (1967). Sémiologie et urbanisme. Architecture d’aujourd’hui, n° 132.
Dupuis, B. (2009). Le movement du New Urbanism et le paysage urbain. La circulation d’une doctrine urbanistique. Articulo – Journal of Urban Research [Online], Special issue 2. Repéré à : http://articulo.revues.org/1133
Germain, Annick & Guay, Jean-Paul (1985). Urbanisme – Le défi post-moderne. Continuité, n° 29, p. 24-27. Repéré à : http://id.erudit.org/iderudit/18112ac
Héran, F. (2000). Monétarisation des effets de coupure, des effets sur l’affectation des espaces publics et des effets sur les paysages. Transports en milieu urbain: les effets externes négligés. Paris: La Documentation française : 117 p.
Jacobs, A. (1995). Great Sreets. Cambridge, MA: MIT. Repéré à: http://www.downtownalton.com/members/docs/greatstreets.pdf
Montréal 2025. (s.d). Quartier Bonaventure, le nouveau Montréal - Fiche synthèse. Repéré à : http://www.montreal2025.com/pdf/Fiches_synthses.pdf
Office de Consultation Publique de Montréal. (2009). Quartier Bonaventure – Le nouveau Montréal – Réaménagement de l’autoroute Bonaventure, phase 1 – Synthèse des études de l’avant-projet détaillé, mars 2009. Repéré à : http://www.ocpm.qc.ca/consultations-publiques/quartier-bonaventure
Trancik, R. (1986). Finding lost space : Theories of urban design. New York :Van Nostrand Reinhold Company.

20 février 2012

Le Champ des Possibles : le design informel et les nouveaux territoires du design urbain

Par Marie-Sophie Banville et Pascal McDuff-Champoux


Image : McDuff 2012

Situé à la limite nord du quartier Mile End, le long du chemin de fer du Canadien Pacifique entre les rues Henri-Julien et de Gaspé, le Champ des Possibles est un espace en mouvement. Ce grand vide, une friche ferroviaire (autrefois la gare de triage Saint-Louis), est le produit de la lente désindustrialisation qui a frappé le secteur au cours de la seconde moitié du XXe siècle et plus récemment avec le déclin de l’industrie du textile qui logeait dans l’ensemble de mégastructures de béton, dont le massif encadre le site. L’arrivée dans le quartier de centaines d’artistes et travailleurs de la classe créative dès le début des années 2000, que l’on qualifie dans la littérature de « pionniers urbains », déclencha un long processus d’appropriation de ce terrain vague par la communauté de manière informelle, malgré les volontés du véritable propriétaire foncier.  
En plus de servir de lien entre le secteur Saint-Viateur Est et le Métro Rosemont, le Champ des Possibles est devenu, au fil des ans, un lieu de promenade, de fête, de loisir, d’expression artistique et même d’interprétation de la nature. Il est le théâtre d’un nombre croissant de pratiques : certaines permanentes, d’autres récurrentes, éphémères ou évènementielles, au gré des saisons et des initiatives organisées ou spontanées. 
L’acquisition du terrain par la Ville de Montréal en 2008 dans le but d’y implanter les nouvelles infrastructures de la voirie, a eu pour effet de mobiliser les citoyens dans l’optique de pérenniser la vocation émergente. Voguant sur cette tendance, Vision Montréal a proposé, en 2010, de faire de ce lieu un parc. Contre toute attente, cette annonce n’a fait qu’intensifier la mobilisation des citoyens. Comme l’affirme Benoît Delage, président des Amis du Champ des Possibles : « un parc, c’est une monoculture et ce n’est pas un espace citoyen. C’est la non-gestion actuelle du lieu qui fait sa richesse. » Il est d’avis que la ville doit changer les paradigmes actuels –trop  limitatifs– qui encadrent le développement de lieux d’exception comme le Champ des Possibles, notamment en ce qui a trait à l’inclusion et la préservation de la biodiversité.
Une charrette citoyenne fut donc mise en place pour élaborer certains scénarios de design pour l’avenir du lieu. L’un des grands obstacles auxquels se sont buttés les citoyens est le fait que leur projet échappe aux catégories de zonage prévues par la ville. En effet, les citoyens ne réclament pas un parc mais bien un espace vert à usage libre. L’arrivée au pouvoir de l’équipe de Projet Montréal dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal, enthousiaste à l’idée mise de l’avant par les citoyens, a fait office d’effet levier pour ce projet hors-norme en permettant aux citoyens de créer un rapport de force vis-à-vis la ville centre, propriétaire des terrains. Aujourd’hui la portion sud du Champ des Possibles est en cours de réaménagement par la firme Vlan Paysages qui a, par ailleurs, l’obligation de collaborer avec les Amis du Champ des Possibles dans l’élaboration des plans. Cependant, l’avenir du territoire au nord du lieu visé par les aménagements reste encore incertain et les Amis du Champ continuent leur travail de vigile assurer la suite des choses.
Comme son nom l’indique, cet espace, dont la fonction est indéfinie, élargit le champ des possibles : il constitue ainsi un véritable laboratoire d’expérimentation urbaine. Au delà des pratiques, Le Champ des Possibles propose une lecture nouvelle de la ville en réinterprétant un paysage post-industriel longtemps dévalorisé. Il propose un dialogue ville-nature en opposant, d’une part, des formes architecturales modernes en rupture d’échelle qu’on réutilise et, de l’autre, une nature sauvage triomphante. Il véhicule ainsi un discours qui s’inscrit dans la mouvance du développement durable. 
Cette appropriation citoyenne de l’espace par ce qu’on appelle le design informel, est une tendance mondiale, la conséquence d’une structure économique en constante restructuration et qui produit du vide. Que ce soit à Berlin après la chute du mur ou, plus récemment, à Détroit, cette approche permet de saisir ce vide et d’en faire l’élément structurant du redéveloppement plutôt que d’entrainer son milieu environnant dans le déclin.
Pour le design urbain, ce courant rend possible la découverte de nouvelles façons de lire la ville, de la concevoir, de la vivre. Il force la révision des processus de production de l’espace, une redéfinition du rôle des acteurs, notamment celui du designer urbain qui tient davantage du médiateur que du créateur projetant. Il doit maintenant gérer les conflits entre les acteurs et les accompagner dans la matérialisation de leurs aspirations. L’opération demande alors, pour lui, humilité et ouverture. 
Références

Ellin, Nan. 1999. Postmodern Urbanism. New York : Princeton Architectural Press.

Entrevue réalisée avec Benoit Delage, président des Amis du Champ des Possibles, par Marie-Sophie Banville, 16 février 2012.

Latour. R. La biodiversité en milieu urbain. Mémoire déposé aux consultations publiques du PMAD. Communauté métropolitaine de Montréal.

Leroux, R. (20 mars 2011). Le Champ des Possibles, fertile utopie. Le Mur Mitoyen. http://blogue.murmitoyen.com/?p=3628 (consulté le 10 février 2012)

Les Amis du Champ des Possible. http://amisduchamp.com/ (consulté le 10 février 2012)

Le Jardin Roerich. http://roerichproject.artefati.ca/ (consulté le 10 février 2012)

Lehmann, Steffen. 2009. "Regenerating the City", p. 148-151, dans Back in the City : Strategies for Informa; Urban Interventions.  Ostfidern : Hatje Cantz Verlag.

Overmeyer, Klaus. 2007. Urban Pioneers : Temporary Use and Urban Development in Berlin. Berlin : Jovis.

La place d'armes

Par Laura Loison et Clementine Hederer




Image : Loison et Hederer 2012

Nouvel arrivant sur l’île de Montréal, l’étranger arpente les rues pour apprivoiser sa nouvelle ville.  Un soir en longeant la rue Saint-Jacques… «Waouh !». A l’angle d’une rue il s’arrête soudainement, une place majestueuse aux lumières douces s’offre à lui. Il s’étonne d’un mélange d’ancien et de moderne où chaque bâtiment a sa particularité. Il s’y sent bien.
Son ressenti aurait-il été le même s’il avait découvert la place de jour ? Curieux il décide d’y retourner le lendemain. Un peu déçu de l’encombrement de la place par les voitures, il la trouve moins chaleureuse mais toujours impressionnante. La vue sur la basilique et les immeubles de style “new-yorkais” le captivent mais il s’aperçoit rapidement que ce ne sont pas les seuls éléments intéressants de la place. L’expérience du lieu est-elle la même selon l’angle sous lequel on observe la place ? S’il avait découvert la place en provenant d’une autre rue, aurait-il passé son chemin ?
Le visiteur remarque aisément que les bâtiments proviennent chacun d’une époque différente et font de la place d’Armes un lieu symbolique de Montréal. Les éléments qui la composent retracent de façon linéaire l’histoire de la ville. En effet depuis 1693 la place n’a cessé d’évoluer; d’une place de marché au coeur du réseau de tramway, elle accueille également le premier gratte ciel de Montréal. Le décalage temporel du bâti reflète une volonté de l’homme de laisser une trace de son passage. La pensée de Camillo Sitte est traduite ici par la relecture de l’histoire dans le design de la place ; on laisse une marque sans effacer l’histoire mais au contraire, en la prenant en compte. C’est ainsi que l’historicisme de Sitte apporte une nouvelle manière de comprendre cet espace.
Il ne semble pas y avoir de rationalité entre les différentes formes de l’espace : une colonnade, une église, une tour. Selon les critères de Riboulet, basés entre autres sur l’équilibre et la symétrie, la place, non rectangulaire et aux bâtiments disproportionnés, dégage une absence d’unité et d’harmonie entre les parties (le bâti) et le tout (la place). Il existe pourtant une relation subtile entre eux où intervient l’expérience de l’usager. Il est vrai que, malgré leurs différences, les constructions ne sont pas en rupture avec le site qui les reçoit mais bien au contraire, elles lui donnent une continuité non pas morphologique mais temporelle rendant l’espace lisible pour l’usager.
Ainsi, des effets visuels particuliers se créent par la juxtaposition de ces différents volumes et couleurs. L’espace fait appel à l’expérience et à nos sens, révélant des aspects du design empiriste. Le soir, les effets lumineux de la place lient le bâti et permettent à l’usager de découvrir un ensemble harmonieux. A quel point la perception de l’espace diffère-t-elle le jour de la nuit ? La place connaît une véritable mise en scène nocturne : le reflet de la statue sur la façade de la banque, des arbres illuminés en contre-plongée, l’éclairage des principales façades, etc. Les façades semblent alors constituer un décor de théâtre qui confère une atmosphère particulière à la place. La lumière devient alors un outil à part entière du design urbain qui permet ici d’harmoniser le lieu, de rassurer le passant en lui donnant des repères, d’offrir un spectacle aux visiteurs et faire de cette place une véritable pièce d’un musée à grande échelle qu’est la ville de Montréal.


Bibliographie


Raynaud, Michel Max et Pauline Wolff (2009). Design urbain : approches théoriques. Volume 1 Approches historique et conceptuelle. Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier. 28p.

Cours de Mme Marie Lessard (cours de Design Urbain du semestre d'automne 2011) : pour comprendre les courants du design urbain. Titre : "les critères de design urbain et leur application"

Recherches et analyses faites sur la Place d'armes et ses réaménagements successifs :
Documents pdf : http://www.vieux.montreal.qc.ca/placedarmes/2/documents.htm

Site Wikipedia de la Place d'armes :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Place_d%27Armes_%28Montr%C3%A9al%29 
 
Site du Vieux Montréal sur l'histoire de la place :
http://vieux.montreal.qc.ca/tour/etape16/16fen.htm  

Site sur les récents travaux et réaménagements de la place :
http://www.vieux.montreal.qc.ca/placedarmes/2/index.htm  

Site pour obtenir des photos de la place :
http://imtl.org/montreal.php?vsearch=1&expo=PLACE_D_ARMES&m=La 

La plage urbaine du Vieux-Port : un espace « rafraîchissant » de design urbain

Par Laurie Hébert et Audrée Letarte


Image : Claude Cormier et Associés 2012


La plage urbaine du Vieux-Port de Montréal, d’une superficie de 13 000m2 et qui sera ouverte à l’été 2012, représente un remarquable projet de design urbain. La plage s’inscrit dans une tendance mondiale de valorisation et de reconversion des berges. Intégrant à merveille le plan directeur de la Société du Vieux-Port de Montréal, la plage concrétise l’idée de réaménager le Vieux-Port au plan récréatif. Elle pourra accueillir près de 800 personnes et son aménagement nécessitera 4 millions de dollars. Celle-ci apparaît également dans un contexte d’ébullition de projets dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal. Ce sera une occasion en or de redorer l’image des berges souvent mal exploitées dans cette ville entourée d’eau. Notons cependant que les usagers ne pourront pas  s’y baigner puisque le courant est trop fort à cet endroit et que la plage jouxtera la marina du Vieux-Port.
La plage peut aisément se décrire comme un espace de design urbain puisqu’on le définit comme un «acte d’intervention programmée sur un espace déterminé dans un contexte spatial, économique, politique et social précis»[1]. Circonscrit dans un endroit bien particulier au sein du quartier historique de Montréal, la plage servira d’objet de promotion de la ville à travers ses berges, et la richesse de ses perspectives visuelles contribuera à son rayonnement international.  Caractérisée par la modernité et la création, la plage correspond à un espace où le paysage, l’espace public et la forme urbaine se côtoieront. Il s’agit d’un désir d’aménagement de l’espace dans un contexte urbain et d’«une nouvelle façon, inusitée, de vivre en ville, de l’occuper autrement», le tout, dans «un environnement convivial»[2]. Le design urbain de la plage se concrétisera également par un ensemble d’ingénierie, de paysage, d’architecture et de mobilier urbain qui seront conçus de façon socialement et écologiquement durable. D’importants éléments artistiques renforceront également la présence et l’importance du design urbain dans l’espace.
Selon la  grille d’analyse proposée par Raynaud et Wolff (2009), pour qui le design urbain se situe dans la phase opératoire d’un projet, nous pouvons affirmer que celui-ci s’inscrit dans la recherche d’une solution à une problématique spatiale, dont le « retour sur l’investissement » constituera un élément de branding supplémentaire dans l’offre récréotouristique de la ville.  Aussi, puisque le projet est stimulé par une volonté de répondre aux demandes des citoyens qui souhaitent « se rapprocher de l’eau, être plus près du fleuve, se sentir ailleurs dans la ville »[3], il est possible de voir une influence du courant City Beautiful dans ce projet, non pas pour le type de plan réalisé, mais bien pour cette volonté d’embellissement de l’espace urbain à des fins sociales ainsi que pour la réintroduction d’une forme aménagée de la nature en ville.
Le design urbain nous apprend, à travers l’aménagement de cet espace, qu’il est important pour une ville telle que Montréal, si elle souhaite se maintenir sur le circuit touristique international et comptabiliser un bilan migratoire annuel positif, de créer des espaces de repos ludiques et agréables ainsi que de mettre en valeur ses atouts paysagers. Reste à voir si la plage sera un succès, mais considérant l’immense popularité que remporte la Sugar Beach de Toronto créée par le même architecte-paysagiste (Claude Cormier),  il est difficile d’en douter.  

Bibliographie
Benoît, Claude (2010-2012). Vision de développement de la Société du Vieux-Port de Montéal. [En ligne] http://www.societeduvieuxport.com/a-propos-de-nous/vision-de-developpement.html. Page  consultée le 10 février 2012.

Claude Cormier + associés (2011). Plage urbaine au Vieux-Port de Montréal. [En ligne] http://www.claudecormier.com/projet/quai-de-l-horloge. Page  consultée le 9 février 2012.

D’Astous, Caroline (2011). Une plage urbaine dans le Vieux-Port. [En ligne] http://www.lametropole.com/article/tendances/quoi-faire/une-plage-urbaine-dans-le-vieux-port. Page consultée le 8 février 2011.

Raynaud, Michel Max et Pauline Wolff (2009). Design urbain : approches théoriques. Volume 1 Approches historique et conceptuelle. Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier. 68 p.   p.11


[1] Raynaud, Michel Max et Pauline Wolff (2009). Design urbain : approches théoriques. Volume 1 Approches historique et conceptuelle. Observatoire SITQ du développement urbain et immobilier.  p.11
[2] Claude Cormier + associés (2011). Plage urbaine au Vieux-Port de Montréal. [En ligne] http://www.claudecormier.com/projet/quai-de-l-horloge. Page  consultée le 9 février 2012.
[3] Claude Benoît (2010-2012). Vision de développement de la Société du Vieux-Port de Montréal. [En ligne] http://www.societeduvieuxport.com/a-propos-de-nous/vision-de-developpement.html. Page consultée le 10 février 2012.